De tous temps, les EEIF ont été un excellent révélateur des idées et mouvements traver- sant la Communauté juive de France. Et si la question est de savoir comment la transmission de l’histoire de la Shoah s’est faite ces 40 ou 50 dernières années dans ce mouvement scout, les quelques lignes qui suivent donneront ainsi un éclairage plus large.
Une particularité importante toutefois. Le rôle joué par les chefs scouts, que ce soit au sein de la Sixième, dans le passage clandestin d’enfants vers la Suisse ou l’Espagne, dans la résistance armée et les maquis, dans les chantiers ruraux et les maisons d’enfants etc….crée un lien particulier avec cette période dramatique. Le jeune éclaireur des années 1970 que j’étais ne se rappelle pas que ce sujet fût particulièrement abordé dans les activités ou les formations de cadres. Nous croisions des témoins directs de cette période, que ce soit JP Bader, Shatta et Bouli Simon, ou Denise Lévy et bien d’autres, mais ils n’abordaient pas cette période, mettant un voile pudique sur cette histoire et encore plus sur leur propre rôle et leurs actions. Dans ces années-là, on parlait peu de tout cela !
Bien sûr de nombreuses initiatives étaient prises au plan local, mais en fait trois évènements ont marqué leur temps et le mouvement. En novembre 1985, s’est tenu dans la région lyonnaise, le Conseil National des EI. J’étais à cette époque le Commissaire Général. L’une des journées a été consacrée à une manifestation silencieuse devant la prison où se trouvait Klaus Barbie, extradé en France depuis février 1983. Cette manifestation a été précédée d’une cérémonie au Cimetière de la Mouche où sont enterrés des résistants EI fusillés par les nazis, et suivie par un office spécial à la grande synagogue de Lyon, quai Tilsitt. C’était une grande première. Dans les années 1990 et 2000, les EI ont participé à plusieurs éditions de la Marche des Vivants, programme éducatif de mémoire en Pologne.
Enfin, la reconnaissance par le Président Chirac de la responsabilité de Vichy, en 1995, a totalement ouvert les portes, les esprits et surtout la possibilité d’organiser différentes activités. En effet, la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, en pleine période des camps d’été a permis de développer ce qui est appelé dans le jargon EI, des « actis shoah » autour des 16 et 17 juillet. Aujourd’hui ce sujet est abordé très régulièrement par les groupes locaux voire même le Centre National. Par exemple, à l’occasion du Yom Hashoah, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah de Paris. Régulièrement les EI participent aux diverses cérémonies organisées.
La « cérémonite » est devenue la norme. Est-ce toujours adapté à des enfants et des jeunes ? J’en doute! Souvent, dans les camps, ne sachant que faire, on aborde la rafle sous l’angle du 9 av ! On en fait donc un fait religieux. Souhaitable ? Souvent, on a du mal avec la spécificité du génocide juif, alors on mélange, on compare et pour apaiser sa conscience, on rajoute d’autres massacres humains, horribles certes, mais n’ayant aucun rapport avec le sujet !
Aucun doute qu’après une longue période de silence, on parle beaucoup de la Shoah, pas forcément de la meilleure façon. Les éducateurs se doivent de reprendre en main ce sujet et d’essayer de créer les outils et méthodes qui permettront, sans traumatiser, de respecter notre obligation de travail mémoriel.