Impériale et bienveillante, impatiente et généreuse, lucide et courageuse…
Les nombreux hommages rendus à Simone Veil, dans ses différentes fonctions et responsabilités, ont permis d’évoquer sa personnalité exceptionnelle, ses actions, son tempérament, et même son intimité amicale et familiale.

Je souhaite donc simplement ajouter quelques souvenirs et certaines de ses pensées concernant Israël et « les enfants cachés d’Aloumim », glanées au cours des huit années passées à ses côtés à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Quelques remarques pour commencer.
Pour beaucoup d’Israéliens aux origines françaises, survivants de la Shoah, témoins ou victimes des rafles et des déportations, il me semble que l’image de la France et des Français reste dans leur mémoire comme un souvenir tragique et douloureux.
C’est cette image d’une France antisémite et lâche qu’ils ont alors parfois transmise à leurs enfants ; ceux-ci l’ont à leur tour perpétuée, surtout après la guerre des Six Jours, quand la lune de miel entre Israël et la France a bel et bien été terminée, et qu’elle s’est confirmée au fil des relations entre les deux pays.

Or, qu’en était-il de Madame Veil ?
Son attachement profond et indéfectible à Israël était tout à fait compatible avec son identité française.
Elle, dont le père, le frère, la mère, les sœurs avaient pourtant été déportés avec la collaboration de la police française, s’est pourtant toujours refusée à ce que l’on transmette l’image d’une France majoritairement veule, « collabo » et antisémite.

Avec Serge Klarsfeld, elle n’a eu de cesse de rappeler que la majorité des Juifs, en France, avait eu la vie sauve, ce qui n’avait pas été le cas dans les autres pays occupés par les nazis.

Et parmi les Juifs sauvés, le sauvetage des enfants juifs sous l’Occupation a été pour elle une question importante.
En fait, elle éprouvait un double sentiment de culpabilité : le remords, au cours de sa vie personnelle et professionnelle, de n’avoir pas prêté suffisamment attention à la détresse des enfants juifs qui avaient échappé aux déportations, ni aux conditions de leur reconstruction après la guerre.
D’autre part, elle était convaincue que l’on n’avait pas suffisamment été reconnaissant envers ceux qui les avaient sauvés.

Ainsi, dès la création de la FMS en 2001, elle a tenu à exprimer sa reconnaissance envers ces institutions qu’elle connaissait peu, ces organisations qui s’étaient occupées des enfants juifs pendant et après la guerre, et qui sollicitaient des fonds de la FMS soit pour aider, à travers elles, les survivants, soit pour faire connaître au grand public les actions qu’elles avaient menées.

Quelque temps avant sa disparition, lors de la journée internationale de la femme de mars 2017, un émouvant hommage lui fut aussi rendu par le Collège francophone de Netanya que l’on peut écouter sur son site.
(Elle en était la première Présidente quand j’en fus la directrice générale.)

Aussi, lorsque le Dr Lichtenstein, qui présidait alors Aloumim, est venu à Paris pour demander l’aide de la FMS pour les enfants cachés en France et partis pour Israël, Madame Veil a aussitôt considéré comme évident de répondre favorablement.

Et c’est ainsi qu’avec l’aide financière de la FMS à Paris, et en Israël, l’engagement permanent et l’expérience professionnelle de mon amie Aline Deutscher, nous avons tous été heureux de pouvoir contribuer à alléger les difficultés rencontrées par les anciens enfants cachés d’Aloumim.

Et je suis ravie que cette aide, reconduite depuis lors chaque année par la FMS, dirigée depuis 2009 par Philippe Allouche, se poursuive dans ce même esprit de confiance et d’amitié que celui que nous avions.